Débarqué au Québec en conquérant il y a 20 ans, le géant américain des services funéraires, Service Corporation International (SCI), a aujourd'hui un genou au sol. Dans la région, la Coopérative funéraire de l'Outaouais, le plus gros joueur de l'industrie, est sur le point d'éliminer complètement Goliath du portrait.
La décennie 1990 allait marquer la fin de l'époque où l'industrie funéraire québécoise était menée par des petites entreprises familiales transmises de père en fils. Attirées par l'appât du gain, les multinationales américaines débarquaient au Québec pour conquérir le marché en investissant massivement dans l'achat des entreprises funéraires. C'est ainsi qu'en Outaouais, SCI, déjà propriétaire de plusieurs salons funéraires à Ottawa, a fait l'acquisition, en quelques années seulement, du Salon funéraire Gauvreau et fils, de la Maison funéraire Brunet et du Funérarium Beauchamp.
Aujourd'hui, SCI possède 12 entreprises funéraires au Québec totalisant 49 points de service. Partout, sa stratégie a été la même, explique Marcel Guy, directeur général de la Coopérative funéraire de l'Outaouais. « La compagnie conservait le nom des salons et embauchait les anciens propriétaires, dit-il. De cette façon, le public ne se rendait pas compte que l'argent entrait maintenant dans les poches de riches hommes d'affaires du Texas. »
La multinationale américaine a toutefois mal évalué la force du milieu coopératif dans le domaine funéraire au Québec et en Outaouais, soutient M. Guy. « Nous agissons comme un régulateur de prix du marché, affirme le patron de la coopérative. Nos prix sont plus bas et ce sont les autres qui doivent s'ajuster. C'est ce que SCI, une entreprise cotée en bourse, a de la difficulté à faire et c'est pourquoi elle tente depuis quelques années de se départir de ses salons dans la région. La coopérative a finalement permis de fermer la porte de l'Outaouais aux multinationales américaines comme SCI. »
De fait, en 2009, SCI mettait en vente le Salon funéraire Gauvreau et fils et la Maison funéraire Brunet. La Coopérative funéraire de l'Outaouais n'a pas hésité à en faire leur acquisition, portant à six ses points de service dans la région et à 75 % ses parts de marché. Loin devant ses compétiteurs, la coopérative fait aujourd'hui plus de 1200 funérailles par année.
Le Funérarium Beauchamp demeure la seule acquisition importante qui reste à faire en Outaouais pour éliminer la multinationale américaine du marché régional. Selon Marcel Guy, ce n'est qu'une question de temps avant que SCI se départisse de sa dernière propriété en sol outaouais. « Si la compagnie conserve Beauchamp pour l'instant, c'est à cause des lois ontariennes qui interdisent à un salon funéraire d'opérer un four crématoire, explique M. Guy. SCI utilise donc le four crématoire du Funérarium Beauchamp pour faire la crémation des dépouilles provenant de ses salons à Ottawa. Les cendres sont ensuite retournées en sol ontarien. C'est assez lucratif pour eux. Sans la pertinence de cette stratégie, SCI aurait déjà mis en vente le Funérarium Beauchamp. »
Ce n'est qu'une question de temps avant que l'Ontario modifie sa législation et permette aux salons funéraires sur son territoire d'opérer leur propre four crématoire, affirme M. Guy. Ce dernier ne confirme pas aujourd'hui qu'il souhaite faire l'éventuelle acquisition du Funérarium Beauchamp, mais il ajoute que si l'opportunité se présente, une importante décision d'affaires devra être prise par sa coopérative.