Bonjour à chacun de vous, `La femme stérile a un fils` m’a dit le Père John Cannon le 8 décembre 2016 lors de ma visite à mon fils adoptif Dieusait Charles, pour son anniversaire d’ordination. Eh! oui, Dieusait et moi sommes mère et fils depuis plusieurs années. Nous nous étions rencontrées au presbytère de Malartic où Dieusait passait quelques semaines de vacances avant de remplacer Robert Charron curé, pour ses propres vacances annuelles. Robert m’avait invitée à venir faire du ménage dans le presbytère. Entre nous trois, il s’était créé une atmosphère de fous rires, de prières (nous récitions le bréviaire fidèlement ensemble), de déménagement de meubles et de peinture. Je disais souvent à Dieusait qu’il ne connaissait Lucie qu’à moitié. L’autre moitié était à Joliette et s’appellait Daniel. Aussi Dieusait profita-t-il de sa semaine de lecture à l’Université Saint-Paul d’Ottawa pour nous visiter. Étonnamment, cette fin de semaine à Joliette fut magique. C’était comme si on avait été toujours ensemble Dieusait, Daniel et moi. Il concélébra à la Cathédrale de Joliette (notre paroisse). Le curé l’a présenté à la communauté. Et ce qui était bizarre, c’est que mon mari et moi, nous avons eu l’impression que c’était notre fils qu’on présentait à la paroisse. Puis à son départ pour Ottawa, Dieusait n’a pas voulu que je le reconduise à l’autobus : `Tu vas pleurer Lucie et moi aussi`. Nous avons une chambre d’amis. Quand il vient quelqu’un, une heure après son départ, le lit est refait et le ménage complété. Cette fois-là, la chambre n’a pas été touché avant le jeudi. Daniel me dit : `C’est bizarre, on dirait que c’est notre fils qui est parti aux études et qu’on n’ose pas toucher la chambre de notre gars.` Quelques jours plus tard, je reçois un courriel de Dieusait dont le début est `Maman`. Je sursaute. Il continue en expliquant qu’il est un gars de famille, qu’il me trouve une femme énormément maternelle et qu’il veut qu’on s’adopte mutuellement comme mère et fils, pour le temps qu’il est au Canada. Je vous avoue que j’ai été sous le choc, trois jours. Retournant sans cesse dans ma tête ce que ça pouvait signifier pour moi, pour lui, pour Daniel. Or un jour, à une intersection, attendant le feu, il m’ait venu une grande paix : `C’était une BÉNÉDICTION de Dieu ! Et nous sommes devenus une famille ! Daniel l’appelait `Garçon blond`. Dans sa famille, tous les enfants sont blonds alors c’était une façon d’en faire un Piché. Et c’était une façon de stupéfier les gens qui s’étonnent souvent de voir un homme noir avec des blancs. Une façon de rire des conventions, une façon de marquer notre identité comme famille. Nos liens se sont tissés, nous sommes allés fêter Noël à Ottawa et lui est revenu à Joliette. Heureux et comme chez lui à jouer avec le chien et à nous apporter presque à chaque fois, de la cuisine créole. Nous avons reçu sa mère. Il est venu travailler en Abitibi, je l’ai visité et, malheureusement, avec Pierre Goudreault, je l’ai fait hospitaliser en 2016. Cette année-là, je suis montée et descendue cinq fois. Pour être auprès de lui, pour remplacer la présence de Pierre à son chevet, pour conduire sa mère à Joliette et la ramener à Dorval. En novembre 2018, c’est lui qui a célébré au moment du décès de ma maman. Robert et moi, nous l’avons accompagné en Haïti. Nous avons connu ses sœurs et frère ainsi que leur conjoint. Notre relation ne manque pas de moments heureux. Il eut aussi quelques accrochages. Je disais à Dieusait : `Nous avons des cultures d’origine différentes. Tu es majeur et vacciné. Si tu étais mon fils naturel, nous ne serions pas toujours d’accord et c’est très bien ainsi.` Cette année, je suis retournée à l’hôpital de Rouyn. Je l’ai visité à Sacré-Coeur. Je suis revenue ici aux soins intensifs et au palliatif. Toujours, je n’avais pas à lui dire grand chose, on se comprenait sans mot. Je lui tenais la main… Je remercie tous ceux qui l’ont aimé, l’ont accompagné dans la prière et par leur présence.Daniel et moi leur présentons toutes nos sympathies. Je suis la femme stérile qui avait un fils. Je suis en deuil car mon fils est décédé. Lucie Dumont