Vivre le deuil à 15 ans - Chroniques | Fédération des coopératives funéraires du Québec

Vivre le deuil à 15 ans

Le deuil chez les adolescents se distingue de plusieurs façons de celui des adultes, notamment par la manifestation de leurs rituels d’adieu. « Et c’est tant mieux », soutient Nicole Morin, bénévole à la Fondation québécoise du cancer et détentrice d’un diplôme en études de la mort. Psychologue dans un Cégep durant plusieurs années, elle collabore actuellement à monter des groupes d’entraide pour les adolescents. « L’important, lors d’un deuil, ce n’est pas le rite lui-même, c’est sa signification pour l’adolescent. Le rite représente le temps qu’on prend pour réaliser la perte, pour recevoir du support et saluer l’ami disparu. Peu importe le moyen qu’ils utiliseront pour vivre ces émotions, il est important de le respecter ».

Il en va de même pour tout le processus du deuil, souvent vécu différemment chez les adolescents. Déjà propices à la révolte et à l’émotivité, les adolescents qui ont perdu un proche peuvent vivre cette expérience de façon plus impétueuse. « La mort est déjà un sujet tellement tabou chez les adultes, imaginez chez les jeunes. Il y a un déni de la mort à l’adolescence; on se sent invulnérable à cet âge. Quand arrive la mort dans leur entourage, les jeunes peuvent ressentir de la difficulté à partager leurs émotions.  Ils ont moins conscience de l’importance d’aller chercher de l’aide ».

Et ce qui vient compliquer les choses, l’adolescence est en soi une étape difficile, souvent compliquée par des relations conflictuelles avec les parents. « Quand survient la mort d’un parent dans ces circonstances, le jeune se sent coupable, ce qui vient compliquer le deuil. Mais ce n’est pas exclusif aux jeunes. La majorité des gens a l’impression de se retrouver devant une tâche inachevée quand arrive la mort d’un proche. Voilà pourquoi les groupes d’entraide proposent aux participants d’écrire des lettres aux personnes disparues. C’est une façon de libérer des choses, de passer à une autre étape ».

L’adolescent a aussi besoin de soutien

On accorde parfois moins d’attention à un adolescent qui vient de perdre un parent qu’au parent qui reste. L’adolescent aura tendance à s’isoler plutôt que de partager sa douleur. D’où la fausse impression qu’il en souffre moins. « Il y a un manque de connaissance de l’adolescence, soutient Nicole Morin.  Combien de fois j’ai entendu  “Il ne s’en souviendra plus la journée de ses noces”. Il y a une négation de sa douleur ». Trop souvent, on dit à l’adolescent d’être fort pour soutenir le parent qui reste. Sans savoir s’il survivra lui-même à cette dure épreuve, il se sent dans l’obligation de soutenir quelqu’un d’autre. « L’adolescent est déjà en travail de croissance physique et psychologique. On ajoute une autre pression en l’obligeant à guérir d’un deuil rapidement ».

D’où l’importance pour les jeunes de se retrouver au sein d’un groupe d’amis. « Un jeune sera davantage porté à chercher du support auprès des amis qu’auprès des parents, surtout si la famille est touchée par le deuil. Le phénomène de gang est important et les jeunes savent qu’ils y sont acceptés. Mais en même temps, ils ont peur d’être rejetés. Le mérite inverse de ce phénomène, c’est que la gang contribue au déni du deuil. On souhaite passer à autre chose ».

La façon dont les adultes réagissent à la perte d’un proche a un effet majeur sur la réaction des adolescents face à la mort. Parfois, les adultes ne veulent pas en parler, présumant à tort épargner la douleur aux jeunes qui les entourent. La réalité est toutefois très simple : protégés ou non, les adolescents vivent le deuil.

Nicole Morin lance un message à l’entourage des jeunes endeuillés : « Occupons-nous de la douleur de nos adolescents. Parfois, un parent en détresse n’est pas disponible pour soutenir le jeune. L’entourage (grands-parents, amis, professeurs, voisins) peut alors prendre le relais et jouer un rôle crucial. Les jeunes ne communiquent pas de la même façon; il faut parfois décoder. Le plus simple est d’aborder les choses simplement en demandant : Est-ce que tu as de la peine ? Il faut le rassurer sur ses émotions, lui dire qu’il ne faut pas avoir honte d’exprimer son chagrin. En lui manifestant qu’on l’aime, on peut aussi l’aider à parler, à dire sa douleur, à verbaliser le choc qu’il ressent ».

Image : Pixabay
Publié dans la revue Profil

Classé dans : Le deuil Publié par : La Gentiane - Deuil - Entraide

Commentaires (13)

Ma fille de 15 ans vient de perdre son grand-père (mon père). Elle vit avec sa mère à 500 km du lieu où vivait mon père. Je lui ai reproché de ne pas avoir au minimum passé un coup de téléphone à sa grand-mère voire à moi pour prendre des nouvelles. Sa mère la soutient, je ne suis pas d'accord, et elle m'envoie votre article. Je ne conteste pas que l'approche du deuil peut être compliquée pour un ado, mais s'enquérir de la douleur de ses proches est pour moi une question d'éducation et de bon sens. Ai-je tort ??

Fred, 20 février 2015

Bonjour, j'ai perdu mes parents et mes 2 sœurs dans un accident de voiture. J'avais alors 13 ans et c'était en 1970. À l'époque, aucun soutien n'existait et ça m'a pris 20 ans pour m'en remettre. Avec les années j'ai réussi à m'en sortir, mais il y a toujours un trou dans mon cœur qui ne s'est jamais fermé. Les jeunes d'aujourd'hui sont chanceux d'avoir des gens pour leur tendre la main et les aider. Merci d'être là pour eux.

Andrée-Paule Vincent, 8 mai 2019

Mon fils avait 12 ans lorsqu'il a perdu son père. Aujourd'hui il a 24 ans. Il évoque une immense détresse durant toute son adolescence. Celle-ci ne se voyait pas. Il me reproche de ne pas l'avoir pris en compte. La mienne ne se voyait pas non plus. Personne ne s'est préoccupé de nous. Nous en avions pourtant tellement besoin. La très grande souffrance ne se voit pas toujours. Faire "comme si" peut être la seule manière trouvée pour survivre.

collomb catherine, 12 mai 2019

Écoutez, j'ai 15 ans et j'ai perdu mon arrière-grand-père à l’âge de mes 8 ans. J'aurais aimé qu'on me comprenne et ça n'a pas été le cas. Je n'ai pas eu le droit d'aller à son enterrement et je sais très bien que ça aurait peut-être été dur mais je le voulais et aujourd'hui je m'en veux. Demain, alors que j'ai plus de 15 ans, je vais aller sur sa tombe pour la première fois. Alors comment dire que depuis tant d'années je n'ai toujours pas fait le deuil et que je n'y arrive pas... Je ne dis pas que je pleure encore tout les soirs mais je veux dire que la blessure qui est à l’intérieur ne s'est jamais refermée.

Paolina, 28 juillet 2020

Le père de mon fils est mourant. Trop de chagrin. On attend des nouvelles de l'hôpital. Trop dur.

Kerdraon, 27 décembre 2020

Bonjour, j'ai 17 et je viens de perdre mon père d'un infarctus massif. J'ai tout fait pour le sauver (premier geste de secours, massage cardiaque) mais il est mort dans mes bras. Aidez-moi svp.

Leo, 5 août 2021

Bonjour Leo, j'ai aussi perdu mon père à 17 ans d'un cancer. On est impuissant devant ces maladies. Ça a été très dur. Tu ne dois pas culpabiliser, ce n'est pas ta faute. J'ai 60 ans, le souvenir est toujours là. Ta douleur s'estompera doucement, courage.

FERRY , 15 août 2021

Bonjour à toi Léo,
Concernant ce drame, à qui tu peux en parler? Il faut que tu trouves une écoute bienveillante pour évoquer ce traumatisme et les sentiments forts qui s'y rattachent car tu risques fort de les ressasser et de faire aussi des cauchemars. Si tu ne trouves pas d'écoute suffisante pour toi auprès de membres de ta famille, rapproche-toi d'un spécialiste de l'écoute. Demande aussi conseil à ton médecin traitant, il saura te diriger vers un organisme de prise en charge de la douleur psychique.

Muriel , 27 août 2021

Bonjour, j’ai actuellement 15 ans, mon père s’est suicidé. Je sais pas quoi faire. Pour m’en remettre, je n’en ai parlé à personne. Seuls ma mère, mes frères et ma sœur le savent.

zee, 20 novembre 2021

Bonjour, je viens de perdre mon père, il s’est suicidé. J’ai actuellement 15 ans, j’ai des amis à qui en parler et je suis extrêmement reconnaissante envers eux mais ils ne peuvent pas comprendre ma peine et je n’ose pas amener plus de chagrin et d’anxiété à ma mère. Auriez-vous des conseils à m’apporter?

Marie , 9 mai 2022

Bonjour, j’ai perdu mon père d’un cancer lorsque j’avais 15 ans. Vivant avec ma mère dépressive et perverse narcissique, ça a été très compliqué, honnêtement ça l’est toujours. Je ne suis plus comme avant, je suis dans mes pensées, j’oublie tellement de choses, je n’arrive plus à m’exprimer émotionnellement etc..
Perdre quelqu’un c’est une épreuve, on est tous assez fort pour réparer nos blessures. La seule chose que je peux dire, c’est de laisser votre cœur parler, vous avez le droit d’être triste, mais surtout ne négligez pas votre vie, elle est très importante. Vous avez besoin d’être entouré mais vous avez aussi besoin d’être seul, de prendre du recul. N’oubliez pas que vous avez les souvenirs. Parlez de la personne comme si elle n’était jamais partie, riez pour elle, continuez de vivre pour elle. La mort n’est rien, c’est seulement un passage de l’autre côté. La personne continuera de vivre en vous, elle n’est plus là physiquement, mais mentalement, elle ne partira jamais. Prenez soin de vous, je vous souhaite à tous mes sincères condoléances, vous êtes très fort!

Clara, 15 juin 2022

Moi j'ai perdu ma mère à 13 ans et j'en ai 69. Je ne m'en suis jamais remise et je me suis sentie mise de côté toute ma vie. Aujourd'hui je suis un peu plus en paix avec ça mais l'impact que ça a eu sur ma vie est dévastateur.

Lucie Morissette, 26 août 2022

J’ai 14 ans, je viens de perdre mon papy. C’est très dur, mais j’essaie d’être forte pour ma famille. J’ai l’impression de devoir fondre en larme à chaque fois qu’ils me parlent de lui. Une fois seule, c’est un chaos sans fin mais plus personne n’est là.

Léa , 27 août 2022